mardi 12 mai 2015

La Belle et la bête


La Belle et la Bête raconte l'histoire de Belle, une jeune femme qui se sacrifie pour sauver son père. Celui-ci est condamné pour avoir cueilli une rose dans le jardin de la Bête. En échange de la vie de son père, la  jeune femme accepte de vivre le restant de ses jours  aux côtés de la Bête. Elle s'aperçoit vite que derrière les traits de la Bête se cache un homme triste et sensible victime d'un sortilège.

La Belle et la Bête est l'objet de plusieurs adaptations cinématographiques. Parmi celles-ci se trouvent le film de Jean Cocteau de 1946 et la version plus récente de Christophe Gans en 2014. Ces films bien qu'ayant une histoire identique sont différents du point de vue de la mise en scène. Nous allons donc étudier une même scène clé de chaque film afin de les comparer. Pour cela nous allons prendre le passage de la découverte et de l'entrée dans le château de la Bête par Belle. 
Affiche 2014
Affiche 1946

Effets spéciaux

«Techniques utilisées pour assurer l’illusion visuelle et sonore des spectateurs, étendre la gamme des images et des sons au-delà de la réalité courante, créer des illusions d’actions ou simuler des événements trop difficiles à filmer directement pour des raisons de sécurité, de possibilités pratiques ou de prix de revient.» (Technique des effets spéciaux pour le film ou la vidéo, édition Dujarric, 1993).
         
C'est le français Georges Méliès qui inventa le premier trucage

Ci-dessus se trouve une vidéo du "Voyage dans la lune" par Georges Méliès. 
 

  • Il existe deux sortes d’effets spéciaux :

 - les effets spéciaux créés au moment du tournage : maquillage, cascades, effets optiques obtenus par la caméra (disparition, apparition, ralenti, etc.), animation image par image...

- les effets visuels créés en post-production (c’est à dire quand le tournage est terminé) : image de synthèse, morphing, effet de couleurs, ...

--> Ces deux catégories peuvent être complémentaires.

Jean Cocteau utilise dans La Belle et la Bête de nombreux trucages. Ses trucages appartiennent à la première catégorie, c'est-à-dire ceux crées au moment du tournage.

«Cocteau n’aimait pas les trucages de laboratoire, ceux qui font confiance à la chimie de la pellicule, et ne cultivait que (...) ceux que l’on réalise à la prise de vues.»

Version de 1946

En 1946, les technologies cinématographiques n’étaient pas aussi avancées qu’aujourd’hui. Pourtant, il a suffit aux techniciens et au réalisateur, Jean Cocteau, d’utiliser de simple moyen pour arriver au but espérer.







Par exemple lors de cette scène, les bougies qui s’allument toutes seules, et qui sont tenues par des bras. Il s’agit ici d’un filmage à l’envers. En citant la critique de télérama: "Le trucage, d'une simplicité "enfantine", peut enore rendre jaloux tous les ordinateurs des studios d'animation". En effet, Jean Cocteau a monté la scène à l'envers, pour faire croire que les bougies s'allument au fur et à mesure que la Belle avance.  





D'autres moyens sont également mis en œuvre, comme l’utilisation de fils et ficelles, qui servent à ouvrir les portes , ou qui ouvre le passage au jardin lors de l’arrivée de la jeune femme au château.


Le montage est aussi un moyen simple de faire des trucages, comme ceux produits par raccords.

Il y avait certes moins de moyens pour faire de grand trucage comme aujourd’hui. Mais même avec les techniques de 1946, les réalisateurs et techniciens étaient capables de créer des effets spéciaux, de manière simple, sans pour autant faire augmenté le budget du film.

Version de 2014 : « un dispositif semi-virtuel »



68 ans après la sortie de « La Belle et la Bête » de Jean Cocteau, sort la version plus moderne de Christophe Gans. Bien que l’histoire soit la même,  les techniques de tournage ayant évoluées, le résultat final est loin d’être le même. « La Belle et la Bête » de 2014 est filmé en haute définition, en couleur, et les effets spéciaux sont faits en post-production par ordinateur.  



C’est cette technique, utilisée dans de nombreux films aujourd’hui, qui est utilisée pour faire ce film. Alors que dans la version de 1946, la plupart des trucages sont faits en production et de manière simple, il s’agit ici d’incruster des objets filmés séparément ou de synthèse, dans l’image, et tout cela par ordinateur, en post-production. Pour ce faire, une toile verte ou bleue est utilisée.  Ces deux couleurs ne sont pas choisies au hasard. Le bleu est la couleur qui se rapproche le plus de la couleur complémentaire de la cher, le contraste de chrominance est donc optimal. Le vert est la couleur primaire la plus lumineuse en vidéo, elle donne un meilleur contraste lumineux par rapport à l’objet à incruster.





"Je savais que ça allait être différent et que de toute façon nous allions utiliser des techniques différentes, qui n'existaient pas à l'époque du film de Cocteau..." Vincent Cassel (La Bête)






Les images de synthèses ont donc beaucoup été utilisées pour ce film. Il y a néanmoins eu un avantage par rapport aux autres films utilisant cette technique. Le plateau de tournage se situait non loin de la salle de montage, permettant alors de monter les scènes tournées, quasiment en même temps que le tournage. Des dessins 2D ont également été réalisés pour que les acteurs tournent le moins possible avec des toiles vertes, et ainsi avoir une idée précise du résultat des plans et des effets spéciaux qu’il va falloir insérer.  Cela rapporte aussi un gain de temps, et revient moins cher pour la production.  


Bien que « La Belle et la Bête » de 1946, et la version de 2014, soient différentes du point de vue mise en scène, la version de 1946 reste tout de même un chef d’œuvre, et se trouve être bien plus différent de la version moderne. 

Vous pouvez ici trouver un court reportage de TF1: http://videos.tf1.fr/jt-we/2014/la-belle-et-la-bete-du-conte-de-fee-aux-effets-speciaux-8362228.html

 Deux explorations différentes du comte



Le film est une adaptation littéraire inspiré du conte La Belle et la Bête du recueil le magasin des enfants de Madame Leprince de Beaumont datant de 1757. Le conte de Madame Leprince de Beaumont est un conte ayant pour but de distinguer laideur et beauté sur le plan physique et moral. Le conte oppose des personnages doubles dans lesquels identité physique et morale ne s’articulent pas. D’un côté, les deux sœurs de Belle ont le physique et le comportement de deux princesses mais sont profondément égoïstes, paresseuses et jalouses. De l’autre côté, la Bête se trouve pourvue d’un physique monstrueux mais au fond est pleine de tendresse et de générosité.




« L’enfance croit ce qu’on lui raconte et ne le met pas en doute. Elle croit qu’une rose qu’on cueille peut attirer des drames dans une famille. Elle croit que les mains humaines d’une bête qui tue se mettent à fumer et que cette bête en a honte lorsqu’une jeune fille habite sa maison. Elle croit mille autres choses bien naïves. C’est un peu de cette naïveté que je vous demande et, pour nous porter chance à tous, laissez-moi vous dire quatre mots magiques, véritable « Sésame ouvre-toi de l’enfance » 

Jean Cocteau




Dans ce film, le but de Jean Cocteau est que l’on ouvre son esprit pour se mettre à la place d’un enfant, c’est-à-dire voir les choses tout simplement, se laisser submerger par l’esprit magique d’un comte et ainsi poser un regard un peu naïf sur un film moralement intéressant : peut-on et doit-on aimer quelqu’un en dépit de sa laideur physique ? L'intention de Cocteau était donc plutôt de montrer le merveilleux. De plus selon Christian Gans «  La force de Cocteau, c'est d'avoir inscrit son œuvre d'une manière oblique, il n'essaye pas de fermer complètement ses créations, il a ce souci de les laisser un peu ouvertes, comme s'il voulait inviter des perceptions différentes. Peut-être percevait-il aussi au fil du temps que la façon de recevoir ce qu'il avait fait, en tant que poète ou en tant que cinéaste, allait changer […] ». Comme tout comte / fable, le film de Cocteau est intemporel : Il ne se situe vraiment dans aucune époque, et la temporalité au sein même du film est contrariée ; les espaces-temps sont multiples. Le jour et la nuit ne sont pas synchrones. La Bête déclare : « Ma nuit n’est pas la vôtre. Il fait nuit chez moi. C’est le matin chez vous. » Ces paroles mettent en avant le fait qu’outre plusieurs temps, il est aussi plusieurs mondes, que les personnages peuvent traverser.


en 2014


En 2014, le défi de Christophe Gans, un passionné des films de Cocteau, est de réaliser un film à la hauteur de son chef-d’œuvre, mais pour lui il ne s’agit pas de réaliser une adaptation similaire de la « Belle et la Bête » mais de montrer un monde différent de celui de Cocteau à partir du même comte :

« Cocteau a essayé d'explorer un aspect du conte ; on peut explorer un autre aspect du même conte. Je m'en suis rendu compte en découvrant une autre adaptation, tchèque, réalisée en 1978 par Juraj Herz, absolument somptueuse, très différente de celle de Cocteau et de la mienne ».

En effet, Le but du réalisateur était avant tout de revenir aux origines du conte. Pour lui, le défi était de faire une véritable adaptation du conte (version longue) écrit en 1740 par Madame de Villeneuve. Il voulait aussi créer une ambiance féerique totalement différente de ce que l’on a connu jusqu’à présent:

 « Avec ma co-scénariste Sandra Vo-Anh, nous nous sommes demandés qui incarnait le mieux la féerie dans l'esprit des spectateurs actuels. Instantanément, son nom est sorti. Effectivement, il y avait dans le projet d'adapter La belle et la bête quelque chose pouvant croiser les univers chers par Miyazaki. Ce cinéaste fait souvent référence aux vieilles traditions animistes japonaises dans ses films d'animation. Il crée des panthéons, pas seulement des bestiaires, avec des créatures inférieures ou grandes. Ses personnages humains croisent la route de créatures vivant dans la forêt ou la montagne. On pouvait trouver ça dans le conte à l'origine de La Belle et la bête ; l'inspiration venait des vieilles légendes gréco-latines assez animistes, assez panthéistes, axées sur des créatures divines, habitant des régions inconnues ou reculées. C'est comme le domaine de la bête où l'on arrive un peu par hasard, comme une poche de printemps à l'intérieur d'un hiver dans la montagne. Ce genre d'évocation croise l'univers de Miyazaki.»


Hayao Miyasaki

Il cherche aussi à répondre à la question du bien et du mal à travers notamment le personnage de la Bête. Il veut montrer que tout homme a ses qualités et ses défauts et qu’ils sont indissociables tout comme Miyazaki dont les personnages ont toujours une part sombre dans un univers lui-même contrasté.

« L’idée du bien et du mal s'avère très relative. A ce titre, Le voyage de Chihiro est un moment de cinéma absolument éblouissant. Princesse Mononoké aussi. Est-ce que cette princesse est un bon ou un mauvais personnage ? Je ne sais pas. Je crois que l'apport de Miyazaki dans l'univers de l'animation, c'est d'avoir enfin révélé à plein de gens qui avaient, soyons honnêtes, de la merde dans les yeux un traitement en demi-teinte, adulte sur des personnages pourtant animés. Ce qui rapproche de Miyazaki, plus encore que les personnages ambivalents, c'est le rapport très fort à la nature, la grande interrogation qui traverse notre civilisation : quelle est la part de divinité dans la nature ? Quelle est la part de divinité dans l'homme ? J'essaye à mon niveau de répondre à cette question dans La Belle et la Bête avec cette histoire du prince maudit qui a tiré sur un animal sacré, qui se révèle être en réalité quelqu'un qui de cher. Je pense, en effet, que la nature possède une part divine. »



Voici une petite vidéo pour résumé le tout:



Le choix des costumes et des décors entre 1946 et aujourd'hui



En 1946, le grand challenge de Cocteau était de donner une image crédible de la bête. Au début Jean Marais l'acteur jouant la bête imaginait une Bête à tête de cerf à l'encontre de Christian Bétard (le directeur artistique) qui voulait une bête effrayante et ne pouvait être en conséquence un herbivore mais un carnivore. C'est donc finalement le chien de Jean Marais, Moulouk, qui servit de modèle à l'élaboration du masque de la Bête. Masque créé de toute pièce par un grand perruquier parisien du nom de Pontet. Chaque poil était monté sur une toile de tulle divisée en trois parties que l'on collait sur le visage du comédien. Le maquillage, très pénible, prenait cinq heures chaque jour : trois heures pour le visage et une heure pour chaque main. Certaines dents ont été recouvertes de vernis noir pour leur donner un aspect pointu, et les canines pourvues de crocs tenus par des crochets en or. Lorsqu’il était déguisé, Jean Marais pouvait seulement se nourrir de purées et de compotes durant le tournage. La chevelure seule a coûté à l'époque, 200 000 Francs !

















Pour a Belle Jean Cocteau rend hommage à Johannes Vermeer (1632 – 1675) et son tableau"La Jeune fille à la perle"notamment au début du film. Au fur et à mesure que l’on avance dans le film, Josette Day, la Belle se transforme vrai personnage de conte de fées. En effet ses costumes devinnent de plus élaboré avec des bijoux fastueux dignes d’une princesse.

"La jeune fille à la perle" Vermeer
Belle 














« Les scènes de la maison de la Belle furent tournées au Manoir de Rochecorbon en Indre-et-Loire,et les extérieurs du château de la Bête au château de Raray près de Senlis. »

Manoir de Rochecorbon

Château de Raray


En dehors de ces lieux, le film a été tourné dans des studios de cinéma et notamment dans celui d’Epinay-sur-Seine et celui de Saint-Maurice.

Dans la version de 2014, le masque a été réalisé en matériaux durs par des professionnels qui ont implanté les poils un à un. Plutôt que de faire lever l’acteur à trois heures du matin pour être enduit de colle, Vincent Cassel portait une sorte de casque de hockey avec des points de repère, sur lequel l’équipe a appliqué ce masque de poils. En outre le réalisateur voulait une Bête ressemblant à un lion « Quand Patrick Tatopoulos, qui avait la charge de concevoir la Bête, m’a demandé à quoi je voulais qu’elle ressemble (...) je lui ai dit qu’elle devait être le symbole d’un empire qui vit ses derniers jours. Or, le symbole de l’Empire le plus répandu à Paris, c’est le lion. J’ai donc dit à Patrick : "Notre Bête, c’est le lion du Denfert-Rochereau" ».Des corrections ont ensuite été apportées numériquement.

En effet la Bête prend vie grâce à la technologie de la Performance capture, et selon Christophe Gans « Dans le costume que nous avons créé pour Vincent, on retrouve un condensé de tout ce que j’aime dans le fantastique classique : Le Fantôme de l'Opéra, le comte Dracula, le héros défiguré de Phantom of the Paradise… Les monstres de cinéma doivent être de belles créatures ». L'acteur décrit le tournage du film comme étant « une expérience exceptionnelle. Je n'avais encore jamais travaillé avec un corps de bête où je suis censé faire 400 kilos. Apprendre à donner vie à ce personnage, c'était très intéressant […]. »



Les costumes crées sont inspirés de la Renaissance avec tout de même des touches plus modernes. Le costumier, Pierre-Yves Gayraud a pris parti pour faire des costumes à couleur unis en passant du bleu au rouge vif de manière à ressortir les personnages du décor. A part Vincent Cassel interprétant la Bête toujours vêtue de rouge pour ressortir son côté animal féroce, la Belle est toujours vêtue de costumes aux couleurs certes unis mais toujours différentes. On peut d’ailleurs remarquer que lorsqu’elle commence à tomber amoureuse de la Bête les couleurs de ses robes deviennent plus chaleureuses jusqu’à devenir elle-même rouge comme la Bête.

























  • Le tournage du film débute le 5 novembre 2012 dans les Studios de Babelsberg à Potsdam (dans la banlieue de Berlin).